
Une conception très intellectuelle de la philosophie s’est imposée à l’époque moderne : celle d’une discipline de production de modèles d’explication du réel, au même titre que la modélisation mathématique qu’opère la physique ou la modélisation géométrique et arithmétique qu’opère la chimie.
Cette conception accompagne une mutation anthropologique : le passage d’un homme enraciné dans un cosmos à un homme mécanisé, fonctionnalisé, interchangeable. Elle rend le lien à la pratique corporelle presque impensable. L’intellect se complexifie, le corps s’oublie.
Cette conception est étrangère aux traditions antiques, où philosophie et transformation de soi allaient de pair.
Au XVIIe siècle, deux figures incarnent cette fracture : Hobbes et Descartes. Le premier fuit la guerre civile anglaise, conçoit un Léviathan fait de peur et d’atomes sociaux dévitalisés, car réduits à des mécanismes pulsionnels. Le second, au contraire, quitte un collège prestigieux pour aller “voir le monde”, fait la guerre, voyage, aime, meurt précepteur d’une reine étrangère. Deux précepteurs. L’un commence vieux, l’autre meurt jeune. Deux façons d’habiter le monde.
La première attitude, typiquement moderne, est une retraite dans l’abstraction, motivée par la peur. Non que la peur soit illégitime : elle fait partie de nos mécanismes naturels. C’est une pulsion de vie. Mais si elle n’est pas apprivoisée, la peur se comporte en tyran paranoïaque : cloîtré dans un palais, couronné mais tremblant. Le système politique de Hobbes est à l’image de sa propre faiblesse : une société d’êtres effrayés gouvernés par un souverain paralysé par l’angoisse.
La seconde attitude, correspondant à l’attitude antique, permet de devenir le disciple de l’expérience et d’avoir une vision beaucoup plus juste de notre nature. Car la peur est maîtrisée et elle ne vient pas perturber le fonctionnement des nombreuses autres capacités de l’esprit humain. Cette attitude entre en conformité avec tous les rites de passage à l’âge adulte, qui étaient pratiqués pour libérer des peurs et des dépendances de l’enfance. Il s’agit de s’apprivoiser, de se forger et de s’harmoniser. Pour l’homme, sans ce travail de forge de soi, l’existence est plus difficile.
Naître dans telle ou telle espèce donne accès à des automatismes contenus vraisemblablement dans les gènes, lesquels sont l’expression de karmas antérieurs. Il est fréquent de voir des animaux qui, dès les premières heures après leur naissance, sont presque déjà autonomes. Ils naissent avec des instincts leur permettant de se déplacer, de détecter leur nourriture, de se défendre ou de se cacher en cas de danger. On aurait tort de réserver la culture à l’humain : nombre d’espèces animales manifestent des transmissions comportementales, des adaptations locales, des apprentissages sociaux — autant de signes d’une proto-culture. Mais ces formes restent enchâssées dans une matrice instinctive qui en borne les écarts et garantit la reproductibilité. L’animal hérite d’un programme comportemental partiellement souple, mais toujours orienté : il n’a pas à s’incarner, il est déjà positionné.
L’homme, au contraire, naît avec une liberté qu’on pourrait prendre pour un caractère inachevé. Les automatismes dont il hérite à la naissance ne lui permettent pas d’être directement opérationnel. Il dépend d’une éducation au sein d’une culture. Pour lui, la culture n’est pas une variation sur un code préexistant, c’est un effort d’incarnation volontaire. Apprendre une langue, une gestuelle, des rites, des rôles — c’est descendre dans un corps, se livrer à des structures qui modèlent, contraignent, parfois blessent. La culture humaine ne supplée pas l’instinct : elle l’exige, comme terrain nu, comme abandon préalable.
C’est pourquoi elle suppose une transmission verticale, patiente, souvent douloureuse : il ne s’agit pas de capter un signal flottant, mais de se rendre disponible à une forme. Là où l’animal actualise un schéma immédiatement fonctionnel, l’humain doit se forger, conquérir ses aptitudes.
Vivre pour un humain est le produit d’un processus de raffinement culturel. La culture doit s’adapter à des conditions changeantes pour donner aux individus des moyens adaptés aux temps dans lesquels ils sont nés.
L’humanité rencontre des problèmes lorsque les connaissances qu’elle transmet aux générations nouvellement nées ne sont plus adaptées aux temps présents. Elle rencontre également des problèmes lorsque les lignées de transmission de connaissances ancestrales sont perdues et que les nouvelles générations se retrouvent dépourvues de moyens de s’en sortir. Il en va de même à l’échelle d’un individu humain. Il hérite de la connaissance que ses parents lui transmettent, s’il est assez chanceux pour avoir des parents capables de lui transmettre quelque chose. Puis il doit mettre en pratique ces connaissances, les faire à sa main, c’est-à-dire les ajuster aux conditions qu’il rencontre. Mais aussi les adapter à la personne qu’il est, étant donné qu’un enfant est toujours un peu différent de ses parents. Grandir, c’est honorer ses ancêtres autant que s’en affranchir pour tracer sa propre voie. C’est là aussi tout l’intérêt d’une incarnation humaine : elle nous laisse beaucoup de marge de progression.
Mais pour en arriver là, il faut une prise de conscience et il faut également affûter son discernement. On peut très bien passer sa vie d’humain sans se poser de questions jusqu’à sa mort. Vivre sa vie simplement en se laissant porter par les automatismes que d’autres auront mis en place pour nous. Comme une tête de bétail dirigée par un berger ou un poisson se déplaçant avec le banc.
Quiconque veut vivre intensément, animé d’une aspiration à devenir la meilleure version de soi, porte en lui la pulsion de la philosophie. Le goût pour la philosophie est la marque de la condition humaine réalisant son potentiel.
Le corps du philosophe : entre décrépitude et rayonnement
Je me souviens très bien du jour où notre professeur de philosophie nous a montré l’interview filmée de Gilles Deleuze : l’Abécédaire. Je serais aujourd’hui encore incapable de dire de quoi il parlait, tant j’étais déçu par son absence totale de rayonnement. Je m’attendais à mieux, surtout de la part de quelqu’un qu’on me présentait comme un “vieux sage”.
À quoi bon pratiquer cette “philosophie” si c’est pour en arriver là ? Certes, Deleuze était très affaibli, car malade à cette époque de sa vie. Il avait la soixantaine. Ses ongles étaient salement longs. Son corps s’effondrait sur le fauteuil, sans tenue, sans axe. Ses jambes s’agitaient de façon compulsive, tandis que sa voix rauque débitait ce qui m’a semblé n’être qu’aigreur et ressentiment. La maladie explique bien des choses. Mais elle ne peut tout excuser. Il y a des vieillesses lumineuses, même dans la douleur. Et il y a des effondrements prématurés. J’ai compris alors qu’un corps ne ment pas — il révèle ce que la pensée a nourri, ou pas, durant toute une vie. Il m’a semblé que la philosophie, si elle ne transforme pas le souffle et la chair, n’est qu’une agitation vaine de concepts. Qu’une pensée ne vaut que par la manière dont elle modèle l’être.
Cette image m’était d’autant plus insupportable que je connaissais, ailleurs, d’autres vieillards, rayonnants de force et de paix. Morihei Ueshiba, d’abord, dont la photographie trônait sur le mur du Dojo dans lequel je pratiquais. Un vieillard plein de vie et de force. Sur la photo qui trône dans de nombreux dojos où l’on pratique l’aïkido, on le voit âgé de soixante dix ou quatre vingt années. Il a traversé les épreuves de la colonisation de la rude et froide Hokkaido. La guerre sino-japonaise l’a mené jusqu’en Mongolie, où il a servi de garde du corps à son maître spirituel de l’époque. Et, dans sa vieillesse, il rayonnait de force, de bonne santé et de joie tranquille. J’avais également rencontré Nobuyoshi Tamura, alors âgé de 70 ans, lors du passage du Doshu, le petit fils de Ueshiba Morihei, en France en 2004. Maître Tamura évoluait avec grâce parmi des pratiquants happés par un respect instinctif, comme si son ki sculptait l’espace autour de lui. Il démontrait les techniques avec souplesse et précision. Bien que petit, il donnait l’impression d’une grande puissance. Déjà âgé, il paraissait pourtant plus jeune que les plus jeunes d’entre nous — dont je faisais partie. Dans la vieillesse, on voyait chez ces deux maîtres davantage une maturation, voire même une apothéose, qu’un crépuscule délétère.
Je me suis dit qu’on reconnaissait l’arbre à ses fruits. Et que la Voie qu’ils avaient suivie était assurément meilleure que celle du vieillard désagréable et cacochyme qu’on me présentait comme une pointure. Dès cette époque, j’étais fixé sur la Voie que j’allais suivre.
Les épreuves
Je ne me doutais pas que j’incarnerais, à mon tour et si peu de temps après, ces deux façons de vivre. Comme Hobbes et Deleuze, j’ai d’abord pris la voie de l’intellect en choisissant l’université puis le professorat. Ces années d’étude m’ont fait oublier jusqu’à l’existence de l’autre voie. Mon corps s’est affaibli sous la pression constante d’une tension mentale extrême. Par peur, j’ai accepté des compromis que le jeune guerrier que j’étais n’aurait même pas envisagés. Par manque d’harmonie avec moi-même, la colère et le ressentiment m’ont rongé. C’est en pratiquant la philosophie à leur manière — purement mentale, abstraite, desséchée — que je me suis abîmé. Il y avait au moins une exception : un collègue professeur de philosophie, qui pratiquait l’aïkido et qui m’a proposé plusieurs fois de m’y remettre. Comme si les maîtres que j’admirais cherchaient à me faire revenir dans la bonne Voie. Mais il m’a fallu aller jusqu’à l’effondrement complet pour bien comprendre la leçon.
Je suis sorti de cette époque de ma vie avec une vie émotionnelle réprimée et chaotique, ainsi qu’un corps épuisé, faible et tendu. Je pouvais alors pleinement comprendre la nature des graines que j’avais cultivées en voyant les fruits qu’elles avaient données.
Le réveil de l’enfant enchaîné
Mais j’étais né sous de bonnes étoiles. Après l’effondrement, j’ai très vite rencontré quelqu’un qui m’a remis sur le bon chemin. Son premier enseignement a consisté à me dire de regarder le monde comme un enfant qui le découvre pour la première fois.
Je n’étais alors pas tout à fait en mesure de sonder la profondeur stellaire de ce conseil, déguisé en évidence.
Il ne s’agissait pas de regarder le monde avec naïveté, mais d’adopter une attitude d’ouverture radicale. Une attention délestée des nombreux filtres que la vie adulte impose à l’expérience. Ces filtres sont une bonne chose, car ils permettent d’instaurer des routines qui rendent l’exécution des tâches quotidiennes plus efficaces. Mais si l’on n’y prend pas garde, on risque de vivre par automatisme. Vivre sans s’en rendre compte, fonctionner au lieu d’exister. C’est vivre comme un mort en mouvement. Une forme d’horreur douce, à peine remarquée. Ce regard d’enfance est, fondamentalement, un regard enthousiasmé — au sens fort : inspiré par un dieu (ἐνθουσιάζω). Donc un regard capable de percevoir avec émerveillement sa propre connexion avec tout le cosmos. Cette posture du regard ne fait plus seulement intervenir une logique utilitaire, une appréhension du monde par l’angle de la survie. Elle intègre également une dimension émotionnelle et esthétique, puisqu’elle est capable de voir la beauté des phénomènes et de s’en réjouir. Ainsi qu’une dimension éthique, puisqu’en prenant conscience du lien d’interdépendance avec tout ce qui nous entoure, nous nous mettons à regarder les êtres et les objets avec amour.
Voilà la profondeur réelle de ce conseil. Regarder le monde comme un enfant, c’est reconquérir l’espace intérieur, scellé par l’oubli, où le divin attend. Ce regard, c’est le début de la philosophie véritable : une naissance dans le monde, et non une fuite dans le réduit étroit de l’intellect seul. Voir avec les yeux d’un enfant, mais avec le cœur d’un vieux sage.
La vocation retrouvée
Mes résultats scolaires m’avaient laissé le choix entre de nombreuses voies. Mais l’étude de la philosophie s’est imposée comme la seule véritablement viable. Mon désir de comprendre mon propre esprit était puissant, et la nécessité de le maîtriser pressante. À vrai dire, je n’avais pas vraiment le choix.
Deux choses cependant m’apparurent très vite : l’approche intellectuelle était indispensable pour affûter mes capacités d’analyse — mais elle était insuffisante. Ce n’est que par le corps — émotionnel, énergétique, physique — que j’ai pu accéder à une compréhension véritable, parce qu’incarnée, de la nature de mon esprit et de son fonctionnement.
Peut-être faut-il dire plus nettement ce que suggère toute cette expérience : que la philosophie moderne, telle qu’on la pratique dans les amphithéâtres, n’est qu’un succédané de rite initiatique, un rite vidé de sa substance. On y évoque la vérité, la sagesse, la liberté — mais sans passage, sans blessure, sans descente ni ascèse.
Dans toutes les cultures traditionnelles, l’accès au savoir est conditionné par une transformation du corps et de l’âme. On ne devient pas un sage par accumulation d’idées, mais par passage à travers la peur, la fatigue, l’épreuve. L’initiation ne transmet pas un discours, elle fabrique un homme nouveau.
À l’inverse, la philosophie académique a gardé le décor du rite — maître, silence, texte sacré, interprétation — mais elle en a perdu le feu. Elle parle de courage, de justice, d’existence… sans jamais exiger du corps qu’il en porte le prix. Elle s’est coupée du lien vital entre pensée et transformation : c’est une parole qui n’engage plus personne.
C’est cela qui me déchirait en cours : cette disjonction entre la gravité des mots — mort, vie, destin, être — et l’inertie des corps, figés dans leurs chaises. Ce n’était pas une école de vie, mais un simulacre de transmission, un rituel sans pouvoir.
Le problème posé par la philosophie universitaire tient également à la mutation anthropologique que j’ai évoquée en introduction, sans la développer. En Occident, la découverte de la mécanique, des automates, et la formalisation des lois du mouvement dans un langage mathématique ont produit une conception de l’intelligence et de l’esprit profondément faussée, parce que réductionniste. L’intelligence a été réduite aux capacités de calcul, de positionnement dans l’espace, aux facultés discursives, à la logique, à la déduction, et à une conception de la causalité suffisante pour modéliser le mouvement des corps dans un espace-temps soumis à la gravité.
Il y a là un parallèle frappant avec l’approche universitaire de l’anatomie : en médecine, on apprend le corps humain en disséquant des cadavres. Ce n’est pas inutile pour se faire la main, mais c’est loin d’être suffisant pour comprendre et soigner un corps vivant. De la même manière, cette approche de l’esprit a laissé dans l’ombre tout ce qui permet à l’intelligence de ne pas tourner comme un engrenage dans le vide : l’intuition, les capacités imaginatives, créatives. Ce sont elles qui alimentent l’intelligence conceptuelle, celle qui mobilise nos facultés de visualisation, de perception, et s’exprime dans un registre aussi sensoriel qu’émotionnel. Seules les personnes ayant pratiqué une discipline ou un art avec assez d’engagement savent de quoi il s’agit. Pour comprendre l’esprit, il faut l’avoir vécu, observé vivant et non pas l’avoir étudié uniquement dans les livres.
C’est pourquoi le métier que je pratique aujourd’hui m’apparaît comme l’aboutissement logique d’un chemin philosophique revenu à son axe : l’expérience vécue. Les grands philosophes de l’Antiquité ne dissociaient pas la pensée de la pratique, la parole du souffle, l’âme du corps. La sagesse n’était pas un savoir abstrait, mais une manière d’habiter le monde — lente, exigeante, enracinée dans une ascèse. Toute personne qui devient un maître dans son art découvre, tôt ou tard, une sagesse universelle. À l’inverse, l’approche strictement intellectualisante s’est perdue le jour où elle a cru qu’on pouvait transmettre la sagesse sans transmettre l’expérience qui l’a engendrée.
C’est en cela que les pratiques corporelles — arts martiaux, méditation, massothérapie — sont décisives : elles forment le socle d’une connaissance incarnée de soi. Elles enseignent non par concepts, mais par rythmes, résistances, douleurs et relâchements. Elles ouvrent à une intelligence qui ne se dit pas, mais transforme.
Dans les arts martiaux, cette transformation passe par l’épreuve du réel : l’engagement du corps, la gestion du souffle, l’acceptation du danger. Dans la méditation, elle passe par l’apprivoisement du mental, l’affinement de la clarté. Le massage, lui, ne transforme pas directement. Il prépare. Il purifie le métal, chasse les impuretés, assouplit la matière. Ce travail invisible est pourtant essentiel. Car une lame de qualité ne se forge pas dans un métal brut : elle demande un acier limpide, déjà prêt à recevoir les coups, la chaleur, les torsions du feu et de l’enclume. Elle demande un corps et un esprit disponibles.
Ainsi, la massothérapie s’inscrit dans la même voie que les disciplines initiatiques : elle est une préparation intérieure. Par elle, on ne se forge pas soi-même — on se rend forgeable. On offre au feu de la transformation un terrain purifié, stable, fécond. C’est parfois en se mettant dans une attitude de réception qu’on devient capable de donner. C’est parfois en s’abandonnant dans la confiance qu’on découvre la solidité de son noyau.
Et c’est là, précisément, que commence la connaissance de soi.
Conclusion
Ce n’est pas un hasard si, dans certaines traditions de massothérapie asiatiques — comme celle de la Thaïlande — le massage vient des campagnes. Il fallait d’abord préparer le corps, comme on prépare le champ. Le champ accueille les graines. Les graines nourrissent le peuple. Le peuple élève la ville. Et sur la ville règne le roi.
Il n’y a pas de sage sans paysan. Pas de guerrier, ni d’artiste, sans la terre nourricière. Et le premier champ à cultiver, c’est le corps.
Dans cette perspective, le massothérapeute est un jardinier du corps. Il ne donne pas des ordres, il écoute la terre. Il ne façonne pas, il prépare. Il connaît les cycles, les résistances, les besoins d’ombre et de silence. Il bêche, il irrigue, il nettoie les racines. Parfois, il attend. Il sait que rien ne pousse dans un sol durci par la peur ou le déni. Son art est celui de la patience et du discernement : il ne cherche pas à imposer une forme, mais à créer les conditions de son émergence.
Le toucher juste ne commande pas : il invite. Il n’arrache pas : il libère. Il ne force pas : il dispose.
Ainsi, le massage ne transforme pas à la manière d’un choc. Il transforme comme une saison : en profondeur, par degrés, dans la compréhension des rythmes propres à chaque être. Il permet à la vérité intérieure de percer doucement la carapace des tensions, comme une graine fend la terre au printemps. Et dans cet espace redevenu fertile, une forme d’intelligence muette devient possible — celle du corps qui se reconnaît, s’apaise, et consent enfin à l’unité.
Recevoir un massage, c’est parfois cela : entrer dans une zone franche de soi-même, où l’on n’a plus besoin de lutter, mais simplement d’être. Et dans cette trêve du faire, une autre écoute s’installe. Une vérité plus ancienne que les mots remonte à la surface, et l’on comprend en percevant, non en rationalisant, avec toute la clarté d’un silence profond.
Car ce que le corps accepte, l’esprit peut enfin le contempler.